B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l
Cour I
A-6174/2013
A r r ê t d u 1 8 j u i n 2 0 1 4
Composition
Pascal Mollard (président du collège),
Michael Beusch, Salome Zimmermann, juges,
Cédric Ballenegger, greffier.
Parties
X._______,
représentée par Maître Henri-Joseph Theubet
recourante,
contre
Administration fédérale des douanes AFD,
Direction générale des douanes,
Division principale droit et redevances,
Monbijoustrasse 40, 3003 Bern,
autorité inférieure.
Objet
Droits de douane et taxe sur la valeur ajoutée (TVA); trafic
rural frontalier; perception subséquente.
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Faits :
A.
X._______ est agricultrice en Suisse. Elle a revendiqué dès 2011
l'allégement douanier pour le trafic rural frontalier résultant de
l'exploitation de ses parcelles A._______ et B._______ situées en
France. Le 1er août 2011, elle a déclaré l'importation de 5'100 kg de pois
protéagineux puis, le 28 juillet 2012, l'importation de 7'500 kg de blé issu
des parcelles sus-mentionnées.
B.
A la suite de la constatation d'irrégularités lors de l'importation en Suisse
des pois protéagineux et du blé, la Direction d'arrondissement de Bâle de
l'Administration fédérale des douanes, Section antifraude douanière,
Office de Porrentruy (ci-après DA) a ouvert une procédure pénale
administrative à l'encontre de l'intéressée. Dans son procès-verbal final
du 25 mars 2013, la DA a retenu que les pois protéagineux et le blé
importés avaient été en partie cultivés sur deux parcelles non annoncées,
portant les numéros C._______ et D._______.
Dans ce même procès-verbal, la recourante a reconnu avoir échangé sa
parcelle A._______ contre les parcelles portant les numéros C._______
et D._______ avec un autre agriculteur suisse bénéficiant aussi de
l'allégement douanier. Au cours de l'enquête, la recourante a concédé
n'avoir pas annoncé au préalable cet échange de biens-fonds, qui n'avait
d'ailleurs pas été mentionné dans les annonces préalables d'importation
du 1er août 2011 et du 28 juillet 2012. Il a été en revanche établi que les
marchandises importées de la parcelle B._______ avaient été
correctement déclarées.
C.
Par décision d'assujettissement à la prestation du 25 mars 2013, la DA a
fixé le montant des redevances d'entrées dues par la recourante à CHF
6'383.35.-, soit CHF 6'026.90.- relatif au droit de douane, CHF 192.-
relatif à la TVA et CHF 164.45.- d'intérêts moratoires.
D.
Par courrier du 16 avril 2013, le représentant de la recourante a demandé
à la DA des compléments d'enquête, afin de clarifier les circonstances de
l'espèce tout en concluant au classement de la procédure du fait de
l'absence de volonté délictuelle de la recourante.
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E.
Par décision du 24 avril 2013, la DA a rejetté la demande d'audition
demandée par la recourante dans la mesure où les infractions à la loi du
18 mars 2005 sur les douanes (LD, RS 631.0) et à la loi sur la TVA du
12 juin 2009 (LTVA, RS 641.20) étaient notoires et déjà suffisamment
prouvées et ne nécessitaient pas de compléments d'enquête particuliers
quant à la volonté délictuelle de la recourante.
F.
Par mémoire du 24 avril 2013, la recourante a interjeté un recours auprès
de la Direction générale des douanes (ci-après DGD) contre la décision
d'assujettissement du 25 mars 2013. La recourante a demandé
l'annulation de cette dernière en faisant pour l'essentiel valoir que les
biens-fonds concernés avaient été échangés avec un agriculteur
bénéficiant de l'allègement douanier qui les avait aussi fait figurer dans
ses pièces justificatives. En définitive, tous les biens-fonds auraient donc
été annoncés à la DA.
G.
Par décision du 27 septembre 2013, la DGD a rejetté le recours de la
recourante du fait que celle-ci ne remplissait pas les conditions relatives à
la franchise dans le trafic rural frontalier lui permettant d'obtenir une
exonération douanière. La recourante ne disposait pas d'une pièce
justificative réglementaire et ne pouvait donc bénéficier de l'exonération
douanière.
H.
Par mémoire du 31 octobre 2013, la recourante a formé recours contre la
décision du 27 septembre 2013 en demandant, sous suite de frais,
l'annulation de la décision d'assujettissement du 25 mars 2013.
I.
Par réponse du 20 décembre 2013, la DGD a conclu au rejet du recours,
avec suite de frais et sans octroi de dépens.
Les autres faits seront repris, en tant que besoins, dans la partie en droit
du présent arrêt.
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Droit :
1.
1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi fédérale du
17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), celui-
ci, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au
sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure
administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à
l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions sur recours rendues par les
directions d'arrondissement peuvent être contestées devant le TAF
conformément à l'art. 33 let. d LTAF. Dans les procédures devant le TAF,
l'administration des douanes est représentée par la DGD (art. 116 LD). La
procédure est régie par la PA, pour autant que la LTAF n'en dispose pas
autrement (art. 37 LTAF).
En l'occurrence, la décision d'assujettissement à la prestation a été
rendue le 25 mars 2013 et a été notifiée au recourant. Le recours a été
adressé au TAF le 24 avril 2013 et est intervenu dans le délai légal
prescrit par l'art. 50 PA. En outre, le recours satisfait aux exigences
posées à l'art. 52 PA. Il est par conséquent recevable et il convient
d'entrer en matière.
1.2
1.2.1 Le recourant peut invoquer la violation du droit fédéral, y compris
l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (cf. art. 49 let. a PA), la
constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (cf. art. 49 let. b
PA) ou l'inopportunité (cf. art. 49 let. c PA; cf. également ANDRÉ MOSER
ET AL., Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2ème éd., Bâle
2013, p. 73 n. 2.149; ULRICH HÄFELIN ET AL., Allgemeines
Verwaltungsrecht, 6e éd., Zürich 2010, ch. 1758 ss). Le Tribunal
administratif fédéral constate les faits et applique le droit d'office, sans
être lié par les motifs invoqués (art. 62 al. 4 PA) ni par l'argumentation
juridique développée dans la décision entreprise (cf. MOOR/POLTIER, Droit
administratif, vol. II, 3e éd., Berne 2011, p. 300 s.). L'autorité saisie se
limite toutefois en principe aux griefs soulevés et n'examine les questions
de droit non invoquées que dans la mesure où les arguments des parties
ou le dossier l'y incitent (cf. ATF 122 V 11 consid. 1b et 122 V 157
consid. 1a; arrêts du TAF A-4674/2010 du 22 décembre 2011 consid. 1.3
et A-4659/2010 du 14 juin 2011 consid.1.2).
1.2.2 Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit
le devoir de collaboration des parties à l'établissement des faits
(cf. ATF 128 II 139 consid. 2b et 122 V 157 consid. 1a; ATAF 2007/27
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consid. 3.3), ainsi que par le droit des parties, compris dans le droit d'être
entendu, de participer à la procédure et d'influencer la prise de décision
(cf. ATF 120 V 357 consid. 1a). Le recourant doit notamment renseigner
le juge sur les faits de la cause, indiquer les moyens de preuve
disponibles et motiver sa requête (art. 52 PA).
1.2.3 Après une libre appréciation des preuves en sa possession,
l'autorité (administrative ou judiciaire) se trouve à un carrefour. Si elle
estime que l'état de fait est clair et que sa conviction est acquise, elle
peut rendre sa décision. Dans cette hypothèse, elle renoncera à des
mesures d'instruction et à des offres de preuve supplémentaires, en
procédant si besoin à une appréciation anticipée de celles-ci. Un rejet
d'autres moyens de preuve est également admissible s'il lui apparaît que
leur administration serait de toute façon impropre à entamer la conviction
qu'elle s'est forgée sur la base de pièces écrites ayant une haute valeur
probatoire (cf. ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 et 131 I 153 consid. 3; arrêts
du TAF A-704/2012 du 27 novembre 2013 consid. 3.5.2; A-5884/2012 du
27 mai 2013 consid. 3.4.1; ANDRÉ MOSER ET AL., op. cit., n. 3.144;
CLÉMENCE GRISEL, L'obligation de collaborer des parties en procédure
administrative, thèse Fribourg 2008, n. 170). Une telle manière de
procéder n'est pas jugée contraire au droit d'être entendu garanti par
l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. ATF 124 V 90 consid. 4b et 122 V 157 consid. 1d;
arrêt du TF 9C_272/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.1).
2.
Dans la présente cause, il appartient au Tribunal de céans de développer
les règles relatives à la franchise de douane pour le trafic rural frontalier
(cf. consid. 2.2) ainsi que celles de l'impôt sur les importations au sens de
la LTVA (cf. consid. 2.3). Enfin, il s'agira de mentionner la délimitation
entre le droit pénal administratif et le droit douanier ainsi que la LTVA
dans la contestation d'une décision d'assujettissement (cf. consid. 2.4).
2.1 Chaque introduction de marchandises sur le territoire douanier et
sortie de celui-ci sont soumises aux droits de douane et doivent être
taxées conformément aux dispositions de la LD. Une exception au droit
de douane général doit se baser soit sur une base légale explicite soit sur
un accord international (cf. arrêts du TAF A-5078/2012 du 15 janvier 2014
consid. 5.1; A-2925/2010 du 25 novembre 2010 consid. 2.1).
2.2
2.2.1 En général, aux termes de l'art. 8 LD, certaines marchandises sont
admises en franchise et ne sont pas soumises aux droits de douane.
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D'après l'art. 8 al. 2 let. j LD, les marchandises du trafic de la zone
frontière et les animaux extraits des eaux frontières peuvent être admis
par le Conseil fédéral en franchise. Par trafic dans la zone frontière est
compris l'importation ou l'exportation à l'intérieur de la zone frontière des
marchandises du trafic rural de frontière et des marchandises du trafic de
marché dans une bande de 10 km de chaque côté de la frontière
douanière (art. 43 LD).
2.2.2 En particulier, les conditions suivantes doivent être remplies
cumulativement, afin de qualifier une activité de trafic rural frontalier et
d'admettre cette activité en franchise (art. 23 de l'ordonnance sur les
douanes du 1er novembre 2006 [OD, RS 631.01]; cf. ATF 138 II 524
consid. 2, arrêt du TF 2C_53/2011 du 2 mai 2011 consid. 2.3; arrêts du
TAF A-5477/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.5; A-1134/2011 du
2 décembre 2011 consid. 2.2; A-2925/2010 du 25 novembre 2010
consid. 2.3):
La personne qui demande une franchise pour un tel trafic doit être
domiciliée dans la zone frontière,
Elle doit être propriétaire, usufruitière ou fermière du bien-fonds
concerné,
Elle doit gérer elle-même ce bien-fonds,
Les marchandises importées doivent être des produits bruts du
sol,
Le bien-fonds duquel les marchandises importées sont originaires
doit être situé dans la zone frontière qui se trouve en dehors du
territoire douanier,
Les conditions formelles, soit les règles et procédures fixées par
la législation douanière telles que par exemple l'obligation de
déclarer, doivent être respectées.
Le but de cette franchise de douane pour le trafic rural frontalier était
d'éviter que les agriculteurs exploitant des biens-fonds des deux côtés de
la zone frontière subissent un désavantage particulier. Afin d'éviter des
abus, ce privilège fut, dès la révision de la loi de 1924/1925, lié à la
condition que les biens-fonds situés à l'étranger devaient être exploités
par leur propriétaire, usufruitier ou fermier situé en Suisse. Ainsi, dans le
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cadre du trafic rural frontalier, la franchise de douane doit être comprise
de manière restrictive et ne s'adresser qu'aux propriétaires, usufruitiers et
fermiers qui exploitent eux-mêmes leurs biens-fonds (cf. arrêts du TAF A-
5477/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.5.1; A-2925/2010 du 25 novembre
2010 consid. 2.3.1). L'art 8 al. 2 let. j LD a repris pour l'essentiel les
règles de l'art. 14 ch. 23 de la loi fédérale du 1er octobre 1925 sur les
douanes (aLD de 1925, RS 6 469 et modifications ultérieures). Ainsi, la
jurisprudence développée sous le régime de l'aLD est également valable
pour le nouveau droit (cf. arrêts du TAF A-5477/2013 du 24 mars 2014
consid. 2.4; A-2925/2010 du 25 novembre 2010 consid. 2.2).
S'agissant des produits bruts du sol, il reste à préciser leur définition. Les
produits des champs, des prés, des cultures potagères en pleine terre et
des vergers ainsi que le bois et la tourbe sont réputés produits bruts du
sol (Art. 23 al. 2 let. a OD). Afin de garantir l'octroi de la franchise, les
produits bruts du sol ne doivent avoir subi aucune autre manipulation que
celle nécessaire à la récolte et au transport (art. 23 al. 4 OD). Le terme
"transport" couvre la distance entre le champs de la récolte et la ferme
(cf. arrêts du TAF A-5477/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.5.2; A-
2925/2010 du 25 novembre 2010 consid. 2.5.2).
2.2.3 Les exceptions au principe général de l'obligation douanière doivent
être acceptées de manière restrictive. En conséquence, certaines
conditions formelles doivent être respectés. Tout d'abord, la personne
assujettie aux droits de douane doit notamment apporter la preuve qu'elle
remplit les conditions pour une importation en franchise de douane
(cf. arrêts du TAF A-1673/2011 du 20. Septembre 2007 consid. 2.3; A-
5477/2023 du 24 mars 2014 consid. 2.5.3). En plus, aux termes de
l'art. 118 OD, l'exploitant qui demande l'exonération ou la réduction des
droits de douane pour des produits bruts du sol doit présenter une
attestation de propriété, d'usufruit ou de fermage pour le bien-fonds
concerné et une pièce justificative comportant la déclaration de la récolte
présumée des diverses cultures. Il doit indiquer dans cette dernière le lieu
de franchissement de la frontière par lequel auront lieu les importations.
En outre, la procédure douanière contient une obligation de déclarer à
charge des assujettis (art. 21, 25 et 26 LD). Le principe de l'auto-
déclaration est ainsi valable dans tout le droit douanier. Dans ce cadre,
les assujettis sont notamment soumis à un devoir spécifique de collaborer
(cf. arrêt du TAF A-2293/2008 du 18 mai 2010 consid. 2.1.1). Par
conséquent, leur devoir de diligence est soumis à de hautes exigences
(art. 25 LD; cf. ATF 112 IV 53 consid. 1a; arrêts du TF 2A.539/2005 du 12
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avril 2006 consid. 4.5; 2A.1/2004 du 31 mars 2004 consid. 2.1; arrêts du
TAF A-5612/2007 du 1er mars 2010 consid. 2.1.2; A-2293/2008 du 18 mai
2010 consid. 2.1.1; BARBARA SCHMID, in: Kocher/Clavadetscher [éd.],
Stämpflis Handkommentar zum Zollgesetz, Berne 2009, Art. 18 n. 2 ss.
[Zollkommentar]). Ainsi, les assujettis sont tenus de déclarer la
marchandise de façon complète et correcte. De plus, on exige des
assujettis qu'ils s'informent préalablement au sujet de l'assujettissement
aux droits de douane et des procédures de dédouanement applicables.
S'ils omettent de le faire, ils doivent en assumer eux-mêmes la
responsabilité (cf. arrêt du TF 2A.566/2003 du 9 juin 2004, in: Archiv für
Schweizerisches Abgaberecht [ASA] 74 p. 246 ss. consid. 3.3; arrêts du
TAF A-1134/2011 du 2 décembre 2011 consid. 2.3.1; A-2925/2010 du 25
novembre 2010 consid. 2.4; A-2293/2008 du 18 m