Cour II I
C-1798/2006
{T 0/2}
Arrêt du 15 juin 2007
Composition : Bernard Vaudan (président du collège)
Andreas Trommer,
Blaise Vuille, juges
Georges Fugner, greffier
A._______, son épouse B._______ et leur fille C._______,
recourants, représentés par Me Minh Son Nguyen, avocat, rue du Simplon 13,
case postale 779, 1800 Vevey,
contre
Office fédéral des migrations (ODM), Quellenweg 6, 3003 Berne,
autorité intimée
concernant
exception aux mesures de limitation (réexamen)
B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l
T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e
T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l
2Faits :
A. Interpellé par la Police municipale de Lausanne lors d’un contrôle de
situation opéré le 25 avril 1997, A._______, ressortissant équatorien né en
1959, a déclaré être entré en Suisse le 10 février 1997 en provenance
d’Italie pour y rendre service à un certain D._______, auquel il aurait servi
de chauffeur et auprès duquel il aurait déjà séjourné lors de ses quatre
précédentes venues en Suisse depuis 1993. Interrogé sur sa situation
personnelle, il a déclaré qu’il était marié, qu’il avait deux enfants et que sa
famille vivait en Equateur.
B. A._______ a ensuite été intercepté à deux reprises, les 8 octobre et 25
octobre 1997, la seconde fois en compagnie de son épouse, B._______,
née en 1972, au poste de gardes-frontière de St-Gingolph, alors qu’il était
au volant d’un véhicule appartenant à l’amie de son employeur,
D._______.
Lors de son second contrôle douanier, A._______ s’est légitimé au moyen
d’un passeport équatorien contenant plusieurs timbres douaniers attestant
d’une part son arrivée en Suisse le 1er décembre 1993, mais démontrant
d’autre part qu’il était retourné ensuite à trois reprises en Equateur, où sa
présence avait été enregistrée aux dates suivantes :
le 26 février 1994 (entrée en Equateur)
le 29 octobre 1994 (sortie d’Equateur)
le 5 février 1995 (sortie d’Equateur)
le 30 juillet 1996 (sortie d’Equateur)
Quant à son épouse, B._______, le timbre douanier apposé dans le
passeport qu’elle détenait lors du contrôle douanier du 25 octobre 1997
attestait qu’elle était entrée en Suisse le 16 mars 1997 (par l’aéroport de
Genève-Cointrin).
C. A._______ a été interpellé une nouvelle fois, le 22 avril 1999 à Lausanne, par
la police cantonale vaudoise. Lors de son audition du même jour, il a déclaré
être arrivé en Suisse au mois de février dans un but touristique. Il a prétendu
être déjà venu à huit reprises en Suisse depuis le mois d’octobre 1994, y
avoir à chaque fois séjourné durant quatre mois environ, mais n’y avoir
jamais travaillé.
Le 3 août 1999, le Préfet du district de Lausanne a prononcé à l’endroit de
A._______ une amende de 400 frs pour contravention à l’art. 23 de la loi
fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931
(LSEE, RS 142.20), soit pour avoir séjourné illégalement en Suisse durant
plus de 4 mois.
D. Le 11 octobre 2003, A._______ et son épouse B._______ ont tous deux
3remis, au Service de la population du canton de Vaud (ci-après: SPOP), un
rapport d’arrivée, par lequel ils ont sollicité la délivrance d’une autorisation de
séjour de durée illimitée et dans lequel ils ont déclaré séjourner en Suisse
depuis le 3 octobre 1993 (époux), respectivement le 16 mars 1997 (épouse)
tout en sollicitant également une autorisation de séjour pour leur fille,
C._______, née en Suisse le 23 juin 2001. Dans un courrier daté du 13
octobre 2003 accompagnant cette requête, A._______ a expliqué qu’il
séjournait et travaillait depuis près de dix ans en Suisse sans autorisation,
qu’il y avait toujours subvenu à ses besoins et à ceux de sa famille et qu’il s’y
était créé des liens d’amitié avec son voisinage. Le requérant a joint à son
courrier des déclarations écrites de plusieurs connaissances attestant son
excellent comportement et ses facultés d’intégration sociale et
professionnelle en Suisse. Il a également produit une attestation du Centre
social régional, confirmant qu’il n’avait jamais eu recours à l’aide sociale,
ainsi qu’une déclaration écrite de l’Office des poursuites de Lausanne-Est,
selon laquelle il ne faisait l’objet d’aucune poursuite.
F. Le 2 février 2004, le SPOP a informé les époux A._______ et B._______ qu’il
était disposé à leur octroyer une autorisation de séjour à l’année s’ils
venaient à être exemptés des mesures de limitation au sens de l’art. 13 let. f
OLE et a transmis leur dossier pour décision à l’Office fédéral de
l'immigration, de l'intégration et de l'émigration (IMES, actuellement: l'Office
fédéral des migrations [ODM]).
G. Le 8 juillet 2004, l’IMES a rendu à l’endroit de A._______, de son épouse
B._______ et de leur fille C._______ une décision de refus d’exception aux
mesures de limitation. Dans la motivation de sa décision, l’IMES a relevé
d’abord que les intéressés ne pouvaient se prévaloir ni d’un comportement
irréprochable, ni d’un séjour régulier en Suisse et qu’ils ne sauraient en
particulier revendiquer les inconvénients résultant d’une situation dont ils
étaient eux-mêmes responsables pour obtenir une autorisation de séjour à
caractère durable en Suisse. L’autorité intimée a considéré par ailleurs qu’au
regard des déclarations contradictoires apportées à ce sujet, la continuité de
leur séjour en Suisse n’était pas suffisamment démontrée. L’IMES a souligné
enfin que même si les requérants séjournaient depuis plusieurs années en
Suisse, ils ne pouvaient se prévaloir d’une intégration professionnelle ou
sociale à ce point marquée qu’ils ne puissent plus quitter la Suisse sans être
confrontés à des difficultés insurmontables.
H. Statuant sur recours, le Département fédéral de justice et police (ci-après: le
DFJP) a confirmé cette décision, le 10 février 2005. Dans son prononcé,
cette autorité a notamment relevé que les intéressés avaient démontré, par
leur comportement, qu'ils n'entendaient nullement s'adapter aux règles en
vigueur en Suisse et qu'ils ne pouvaient donc se prévaloir d'un comportement
irréprochable. Le DFJP a relevé en outre que les recourants ne s'étaient pas
4créé avec ce pays des attaches à ce point profondes et durables qu'ils ne
puissent plus envisager un retour dans leur patrie et que, s'agissant de leur
fille, son retour pouvait s'effectuer sans difficultés particulières compte tenu
de son âge.
I. Les époux A._______ et B._______ ont saisi le Tribunal fédéral d'un recours
de droit administratif contre le prononcé du DFJP, recours que la Haute Cour
a rejeté le 17 mars 2005, en qualifiant ce pourvoi de manifestement mal
fondé.
J. Le 29 avril 2005, le SPOP a informé A._______ que la poursuite du séjour en
Suisse de sa famille ne pouvait plus être admise et a imparti aux intéressés
un délai au 31 mai 2005 pour quitter la Suisse.
A._______ et sa famille ne s'étant pas conformés au délai de départ qui leur
avait été imparti au 31 mai 2005, le SPOP leur a imparti, le 29 novembre
2005, un nouveau délai au 9 janvier 2006 pour quitter la Suisse.
Le 20 décembre 2005, les intéressés ont informé le SPOP qu'ils avaient
présenté leur dossier au Groupe de travail sans papiers de la Commission
fédérale des étrangers et qu'ils attendaient sa réponse avant de se prononcer
sur leur départ de Suisse.
Le 20 janvier 2006, le SPOP a invité les intéressés à lui transmettre une
copie de cette requête, demande à laquelle ils ont répondu le 9 juin 2006
seulement, courrier qui a été réceptionné au SPOP le 16 juin 2006.
Dans la mesure où A._______ et sa famille n'avaient alors toujours pas
donné suite à son invitation du 20 janvier 2006 et poursuivaient leur séjour en
Suisse, le SPOP leur a imparti, le 13 juin 2006, un nouveau délai au 15 juillet
2006 pour quitter la Suisse.
Le 10 juillet 2006, les intéressés ont transmis au SPOP une copie de la prise
de position émise le 21 décembre 2005 par la Commission fédérale des
étrangers, en déclarant qu'ils envisageaient de déposer une demande de
réexamen. Le 7 août 2006, le SPOP leur a accordé un délai au 15 septembre
2006 pour l'informer du dépôt d'une telle requête.
Constatant que A._______ et sa famille n'avaient pas donné suite à son
invitation du 7 août 2006 et persistaient à poursuivre illégalement leur séjour
en Suisse, le SPOP leur a imparti, le 13 octobre 2006, un nouveau délai au
15 novembre 2006 pour quitter la Suisse.
K. Agissant par l'entremise de leur mandataire, A._______ et sa famille ont
adressé au SPOP, le 9 octobre 2006, une demande de régularisation de
5leurs conditions de séjour en Suisse. A l'appui de leur requête, les intéressés
ont allégué qu'ils séjournaient en Suisse depuis 1993, respectivement 1997,
qu'ils s'y étaient bien intégrés sur le plan social et professionnel, qu'ils étaient
financièrement indépendants et que leur fille y était scolarisée. Ils ont
également relevé que leur dossier avait été soumis au Groupe de travail sans
papiers de la Commission fédérale des étrangers, laquelle avait relevé que
leur dossier méritait un examen approfondi.
L. Le 23 octobre 2006, le SPOP a transmis cette requête à l'ODM comme objet
de sa compétence, précisant que celle-ci semblait devoir être considérée
comme une demande de réexamen et qu'il maintenait un préavis positif
conformément à sa correspondance du 2 février 2004.
M. Par décision du 10 novembre 2006, l'ODM a considéré la requête de
A._______ et sa famille comme une demande de réexamen de sa décision
du 8 juillet 2004, requête sur laquelle il n'est pas entré en matière. Dans la
motivation de sa décision, l'autorité intimée a relevé que les intéressés
n'alléguaient aucun changement de circonstances notable et n'invoquaient
aucun fait ou moyen de preuve important qui n'était pas connu lors de la prise
de décision du 8 juillet 2004 ou qui n'aurait pas pu être produit à l'époque.
N. A._______ et sa famille ont recouru contre cette décision le 14 décembre
2006 auprès du DFJP. Dans leur pourvoi, ils ont allégué que la situation de
leur famille avait évolué depuis l'arrêt du Tribunal fédéral du 17 mars 2005,
en prétendant que l'écoulement du temps et la scolarisation de leur fille
Céline constituaient des faits nouveaux. Ils ont relevé en outre que les
autorités cantonales n'avaient rien entrepris pour procéder à leur renvoi de
Suisse, alors que celui-ci aurait pu être exécuté durant la procédure de
recours devant le Tribunal fédéral déjà et que le laxisme de ces autorités
dans l'exécution de la législation sur les étrangers constituait également un
fait nouveau pour l'examen de leur cas.
O. Appelé à se prononcer sur le