CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE SOCIÉTÉ DE CONCEPTION DE PRESSE ET D’ÉDITION ET PONSON c. FRANCE
(Requête no 26935/05)
ARRÊT
STRASBOURG
5 mars 2009
DÉFINITIF
05/06/2009
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Société de Conception de Presse et d’Edition et Ponson c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Peer Lorenzen, Président,
Rait Maruste,
Jean-Paul Costa,
Karel Jungwiert,
Renate Jaeger,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Mirjana Lazarova Trajkovska, judges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 février 2009,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 26935/05) dirigée contre la République française. La société de droit français « Société de Conception de Presse et d’Edition » et M. Gérard Ponson, ressortissant français (« les requérants »), ont saisi la Cour le 8 juillet 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants sont représentés par la S.C.P. Piwnica & Molinié, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
3. Les requérants allèguent en particulier la violation de leur droit à la liberté d’expression garantie par l’article 10, pris isolément et combiné avec l’article 14 de la Convention.
4. Le 11 juillet 2007, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Les requérants, la Société de Conception de Presse et d’Edition et M. Gérard Ponson, sont d’une part une société anonyme de droit français dont le siège social est situé à Levallois-Perret et d’autre part un ressortissant français, né en 1964 et résidant à Paris. Le magazine Entrevue était édité par la société requérante, dont M. Gérard Ponson était le directeur de publication. Selon la source AEPM 2007-2008 (Association pour la promotion de la presse magazine, qui édite des études d’audience), il s’agit du magazine français le plus lu par les hommes entre 15 et 24 ans.
6. En juin 2002, un reportage, publié en pages 116, 117, 118 et 119, était consacré aux rapports entre l’argent et le sport. Il était annoncé en page de couverture par une photographie de Zinédine Zidane portant la légende « les sportifs les mieux payés au monde ».
7. La page 116 du magazine était intitulée « Les sportifs gagnent de plus en plus d’argent. Mais au niveau des salaires et des contrats publicitaires, les Européens restent à la traîne des Américains. « Entrevue » examine le classement des rois du sport business ». Sur cette page figurait une photographie de Michael Schumacher arborant les couleurs d’une marque de cigarette (M.), ainsi que deux encadrés intitulés « Vu à la télé » l’un consacré à Zinédine Zidane et l’autre à Michael Schumacher, ce dernier y étant désigné comme « le sportif le mieux payé du monde ».
8. La page 117 titrait en gros caractères : « Le fric des sportifs. La domination américaine ». Ce titre était accompagné du texte suivant :
« Michael Schumacher est le sportif le mieux payé du monde. Mais en gagnant plus d’un million de nos vieux francs par jour, il fait figure d’exception. Avec le boxeur britannique Lenox Lewis, le pilote allemand est en effet l’un des deux Européens classés dans le top 15 des sportifs les mieux classés de la planète. Ce classement donne la mesure du fossé que représente l’Atlantique. Ainsi Zinédine Zidane, le meilleur footballeur mondial et aussi le mieux payé, n’arrive qu’en 23ème position. Il est pourtant l’emblème d’un sport planétaire qui compte plus de pratiquants, de supporters et de spectateurs que n’importe quelle autre discipline. Mais notre football n’est pas aussi populaire aux Etats-Unis que le basket, le base-ball ou le foot américain. Pour gagner beaucoup d’argent, il faut donc se classer parmi les meilleurs, plutôt dans un sport individuel et, en plus, disposer d’une image qui fait vendre aux Etats-Unis. C’est le cas de Tiger Woods, le golfeur le mieux payé de tous les temps, qui se place en deuxième position derrière Schumacher. Le golf n’est pourtant pas un sport de masse, mais ce surdoué de 25 ans domine un jeu réservé à l’élite qui draine des sponsors de prestige, et, en plus, il est Américain. Et aux USA, les sportifs sont considérés comme des stars de show-business. « Entrevue » vous introduit dans le panthéon des sportifs les mieux payés au monde. »
9. La page 118 était divisée en deux parties. La partie gauche de la page comportait elle-même deux sous-titres :
« Jean-Philippe : Zidane n’est que le footballeur le plus cher du monde ! »
« Le sport n’échappe pas à la domination économique américaine ».
10. La partie droite de la page comportait trois photographies, chacune assortie d’une légende.
11. La photographie du haut donnait à voir le casque de Michael Schumacher aux couleurs de la marque M. accompagnée du commentaire suivant : « F1 Michael Schumacher : 65 M €/an (430 MF), dont 34 M € de salaire. Le reste provient des contrats de pub (...) ».
12. En regard de cette page, la page 119 intitulée « Sport business. La domination américaine » comportait six photographies représentant des sportifs et faisant référence, soit aux contrats publicitaires dont ils bénéficiaient, soit à leur nationalité.
13. Par ailleurs, l’avant-dernière page du magazine comportait une série de photomontages satiriques dont l’un représentait deux paquets de cigarettes de la marque M. découpés de manière à évoquer deux formes humaines accomplissant un acte de sodomie avec la légende « Attention, fumer... donne le cancer de l’anus ».
14. Le 3 juillet 2002, le Comité national contre le tabagisme (C.N.C.T.) fit citer directement à comparaitre devant la 31e chambre du tribunal de grande instance de Paris M. Ponson en qualité de prévenu et la société Conception de presse en qualité de civilement responsable du chef de publicité directe ou propagande en faveur du tabac ou de ses produits, concernant les photographies et le photomontage.
15. Par un jugement du 11 juillet 2003, le tribunal de grande instance estima que le photomontage publié en avant-dernière page ne constituait pas une propagande ou une publicité en faveur du tabac, mais déclara M. Ponson coupable de publicité directe ou propagande en faveur du tabac ou de ses produits en raison des photographies publiées en pages 116 et 118 du magazine. M. Ponson fut condamné à une amende délictuelle de 20 000 euros (EUR), la société d’édition étant quant à elle déclarée solidairement responsable du paiement de cette amende. Les requérants furent enfin condamnés solidairement à verser au C.N.C.T., partie civile, la somme de 2 000 EUR à titre de dommages et intérêts. Le tribunal estima que les photographies incriminées, à l’exception du photomontage, ne constituaient pas une propagande puisque ce sont des marques et non des produits génériques qui y figuraient. Il releva que, selon le prévenu, ces marques étaient destinées à sensibiliser le public sur la part des revenus des sportifs provenant de la publicité. Il considéra que, bien qu’effectuée « à titre d’information » selon la défense, la publication en pages 116, 117 et 118 de photographies d’événements sportifs et de sportifs connus, sur lesquelles figure de manière apparente et répétée la marque de tabac [M.], constituait une publicité illicite de cette marque, le journal Entrevue en faisant, de la sorte, la promotion auprès de son lectorat. Concernant le photomontage, le tribunal estima qu’il ne constituait pas une propagande ou une publicité en faveur du tabac. Il précisa que cette photo, volontairement provocatrice, donnait une image négative du tabac et de la marque de cigarettes représentée. Il indiqua que le texte qui l’accompagnait tournait en dérision le message sanitaire figurant sur les paquets de cigarettes, mais n’avait pas comme objet ou comme effet de promouvoir le tabac et ses produits. Selon lui, ce photomontage apparaissait à la page humoristique et satirique du journal, lequel ne comportait que des photographies de genre parodique et humoristique, ce dernier devant dans une certaine mesure obéir au principe de tolérance au nom de la liberté d’expression. S’agissant du respect du droit à l’information des lecteurs et du droit des photographes au respect de leurs œuvres et, plus particulièrement, du respect de l’article 10 de la Convention, le tribunal estima que le droit des auteurs au respect de leurs œuvres n’était pas exclusif du respect de la législation en matière d’ordre public de protection, dont relève la loi Evin. Il énonça que la modification apportée à une photographie, consistant notamment en un recadrage ou un « floutage » sur la marque de cigarettes, ne constituait pas une atteinte au droit des photographes sur leurs œuvres.
16. Le C.N.C.T. et le ministère public interjetèrent appel de ce jugement.
17. Le 27 janvier 2004, la cour d’appel confirma le jugement dans toutes ses dispositions pénales et retint également la culpabilité du prévenu et la responsabilité civile de la société pour le photomontage satirique. L’infirmant s’agissant du montant des dommages-intérêts accordés au C.N.C.T., elle condamna M. Ponson et la Société de conception de presse au paiement de 10 000 EUR. La cour d’appel considéra qu’en publiant des photographies de la voiture de compétition du pilote Michael Schumacher, sur lesquelles apparaissait le nom de la marque de cigarettes [M.], sponsorisant son écurie, le prévenu et la société civilement responsable s’étaient rendus coupables du délit de publicité illicite en faveur du tabac, prévu par l’article L. 3511‑3 du code de la santé publique. Elle estima par ailleurs qu’en publiant un photomontage satirique, représentant deux paquets de cigarettes de la marque [M.], avec la légende : « attention, fumer... donne le cancer de l’anus », le prévenu et la société civilement responsable s’étaient également rendus coupables du délit de publicité illicite en faveur du tabac, dès lors que cette publicité rappelait la marque et le paquet de cigarettes [M.] et tournait en dérision les mentions légales d’informations obligatoires inscrites sur les paquets de cigarettes.
18. Les requérants formèrent un pourvoi contre cet arrêt invoquant notamment les articles 10 et 14 de la Convention.
19. Le 11 janvier 2005, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi, estimant que les énonciations de l’arrêt de la cour d’appel étaient exemptes d’insuffisance comme de contradiction et établissaient l’existence d’un acte en faveur d’un organisme, d’une activité et d’un produit, qui, par son graphisme, sa présentation et l’utilisation d’une marque, avait pour effet de rappeler le tabac ou un produit du tabac. Elle retint que la cour d’appel avait caractérisé en tous ses éléments le délit de publicité indirecte en faveur du tabac.
II. LE DROIT INTERNE ET INTERNATIONAL PERTINENTS
A. Législation et jurisprudence internes
20. Les dispositions pertinentes du code de la santé publique, issues de la loi no 91-32 du 10 janvier 1991, dite loi Evin, sont les suivantes :
Article L. 3511-3
« La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1 ainsi que toute distribution gratuite ou vente d’un produit du tabac à un prix de nature promotionnelle contraire aux objectifs de santé publique sont interdites.
(...) Toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, des produits du tabac ou des ingrédients définis au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1. »
Article L. 3511-4, alinéa 1
« Est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou la publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre que le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1 lorsque, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une marque, d’un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, elle rappelle le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au deuxième alinéa de l’article L. 3511-1. »
Article L. 3511-5
« La retransmission des compétitions de sport mécanique qui se déroulent dans des pays où la publicité pour le tabac est autorisée, peut être assurée par les chaînes de télévision. »
Article L. 3512-2
« Les infractions aux dispositions des articles L. 3511-2, L. 3511-3 et L. 3511-6 sont punies de 100 000 euros d’amende. En cas de propagande ou de publicité interdite, le maximum de l’amende peut être porté à 50 % du montant des dépenses consacrées à l’opération illégale.
En cas de récidive, le tribunal peut interdire pendant une durée de un à cinq ans la vente des produits qui ont fait l’objet de l’opération illégale.
Le tribunal ordonne, s’il y a lieu, la suppression, l’enlèvement ou la confiscation de la publicité interdite aux frais des délinquants.
Le tribunal peut, compte tenu des circonstances de fait, décider que les personnes morales sont en totalité ou en partie solidairement responsables du paiement des amendes et des frais de justice mis à la charge de leurs dirigeants ou de leurs préposés (...) »
21. La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mai 2008, a eu l’occasion de se prononcer sur la question des rediffusions d’images d’événements sportifs intervenant plusieurs heures ou plusieurs jours après l’épreuve (Cass. Crim., 14 mai 2008, no 07-87.128). Elle a estimé que, bien que cela ne soit pas expressément précisé, l’article L. 3511-5 du code de la santé publique entendait limiter l’autorisation donnée aux chaînes de télévision de retransmettre les compétitions de sport mécanique aux strictes nécessités de l’information sportive sur la course et son environnement, donnée en temps réel ou dans des situations proches du temps réel. Dès lors, elle a précisé que cette autorisation ne saurait s’étendre aux diverses rediffusions d’images intervenant plusieurs heures ou plusieurs jours après l’épreuve, dans des conditions où il est techniquement possible de sélectionner les plans ou d’intervenir pour éviter ou dissimuler les références aux marques de produits du tabac ou logos rappelant ces marques. Les médias audiovisuels doivent prendre les mêmes précautions que les médias de presse écrite lorsqu’ils ne retransmettent pas la course au moment même où elle se déroule.
B. Droit communautaire
22. Le 6 juillet 1998, la directive 98/43/CE du Parlement européen et du Conseil fut adoptée au sujet de la publicité et du parrainage en faveur des produits du tabac au sein de l’Union européenne. Par un arrêt du 5 octobre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes (C.J.C.E.) annula cette directive au motif de l’incompétence du législateur communautaire pour l’adopter (affaire C 376-98). L’avocat général, dans ses conclusions du 15 juin 2000, avait estimé que « le législateur communautaire avait des motifs raisonnables de croire qu’une large interdiction de la promotion du tabac aboutirait à une réduction significative des niveaux de consommation et contribuerait, ainsi, à protéger la santé publique ». Dans son arrêt, la Cour estima que la directive ne constituait pas une restriction disproportionnée à la liberté d’expression dans la mesure où elle imposait une large interdiction de la publicité en faveur des produits du tabac. Elle ajouta cependant qu’il n’en allait pas de même de l’interdiction de la publicité pour les produits de diversification, et qu’il « n’allait pas de soi que la publicité pour les produits et services autres que le tabac portant des marques ou autres éléments distinctifs associés au tabac puisse avoir un effet sur le niveau de consommation de ces derniers produits, de manière globale ».
La directive 98/43/CE a été remplacée par la directive 2003/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 visant à harmoniser les dispositions des Etats membres en matière de publicité et de parrainage en faveur des produits du tabac. Elle a pour objet de réglementer, vu l’interdiction globale du tabac, la publicité et le parrainage dans les médias, et d’éliminer les entraves à la libre circulation des marchandises et des services. Désormais, l’apposition de publicité sur les panneaux d’un site sportif, mais aussi sur les véhicules ou les sportifs eux‑mêmes, est interdite lors des manifestations ou activités ayant des effets transfrontaliers. Les articles pertinents sont les suivants :
Article 3
« Publicité dans les médias imprimés et dans les services de la société de l’information
1. La publicité dans la presse et d’autres médias imprimés est limitée aux publications exclusivement destinées aux professionnels du commerce du tabac et aux publications qui sont imprimées et éditées dans des pays tiers, lorsque ces publications ne sont pas principalement destinées au marché communautaire. Toute autre publicité dans la presse et d’autres médias imprimés est interdite.
2. La publicité qui n’est pas autorisée dans la presse et d’autres médias imprimés n’est pas autorisée dans les services de la société de l’information. »
Article 4
« Publicité radiodiffusée et parrainage
1. Toutes les formes de publicité radiodiffusée en faveur des produits du tabac sont interdites.
2. Les émissions radiodiffusées ne font pas l’objet d’un parrainage par des entreprises dont l’activité principale consiste à fabriquer ou à vendre des produits du tabac. »
23. Par un arrêt du 12 décembre 2006, la C.J.C.E. se prononça sur des dispositions de la directive 2003/33/CE. Il s’agissait de l’affaire C‑380/03 ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduit le 9 septembre 2003 par l’Allemagne contre le Parlement et le Conseil :
« 147 (...) Par ailleurs, compte tenu de l’obligation pour le législateur communautaire de garantir un niveau élevé de protection de la santé des personnes, [les articles 3 et 4 de la directive] ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
152 (...) Quant à l’interdiction du parrainage d’émissions radiodiffusées prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive, il ne résulte pas des considérants de la directive ni, plus particulièrement, du cinquième de ces considérants qu’en ne limitant pas une telle mesure aux activités ou aux manifestations ayant des effets transfrontaliers, à l’instar de l’article 17, paragraphe 2, de la directive 89/552, le législateur communautaire ait excédé les limites du pouvoir d’appréciation dont il dispose dans ce domaine.
153 Cette interprétation n’est pas remise en cause par la thèse de la requérante selon laquelle de telles mesures d’interdiction aboutiraient à priver les entreprises de presse de recettes publicitaires importantes, voire contribueraient à la fermeture de certaines entreprises et porteraient atteinte, in fine, à la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la CEDH.
154 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si le principe de la liberté d’expression est expressément reconnu par l’article 10 de la CEDH et constitue un fondement essentiel d’une société démocratique, il résulte toutefois du paragraphe 2 de cet article que cette liberté est susceptible de faire l’objet de certaines limitations justifiées par des objectifs d’intérêt général, pour autant que ces dérogations sont prévues par la loi, inspirées par un ou plusieurs buts légitimes au regard de ladite disposition et nécessaires dans une société démocratique, (...)
155 De même, ainsi que l’ont souligné à juste titre le Parlement, le Conseil et les parties intervenant à leur soutien, le pouvoir d’appréciation dont disposent les autorités compétentes, s’agissant de la question de déterminer où se trouve le juste équilibre entre la liberté d’expression et les objectifs d’intérêt général visés à l’article 10, paragraphe 2, de la CEDH, est variable pour chacun des buts justifiant la limitation de ce droit et selon la nature des activités en jeu. Lorsqu’il existe une certaine marge d’appréciation, le contrôle se limite à un examen du caractère raisonnable et proportionné de l’ingérence. Il en va ainsi de l’usage commercial de la liberté d’expression dans un domaine aussi complexe et fluctuant que la publicité (voir, notamment, arrêt Karner, précité, point 51).
156 En l’espèce, même à supposer que les mesures d’interdiction de publicité ou de parrainage prévues aux articles 3 et 4 de la directive aient pour effet d’affaiblir de manière indirecte la liberté d’expression, la liberté d’expression journalistique, en tant que telle, reste intacte, les contributions rédactionnelles des journalistes n’étant, par conséquent, pas affectées. (...)
158 Il en résulte que lesdites mesures d’interdiction ne peuvent être regardées comme disproportionnées (...) »
C. Les travaux du Conseil de l’Europe
24. Les dispositions pertinentes de la recommandation 716 (1973) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, du 27 septembre 1973, prévoient ce qui suit :
« (...) Considérant que le public est poussé à la consommation de ces produits par une publicité qui met fréquemment le tabac et l’alcool en relation avec le succès, une nature pure et un monde de bien-être ;
L’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’inviter les gouvernements des E