PREMIÈRE SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 78074/01
présentée par Richard Jonathan BLECH
contre la France
La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant le 30 juin 2005 en une chambre composée de :
MM.C.L. Rozakis, président,
L. Loucaides,
J.-P. Costa,
MmesF. Tulkens,
E. Steiner,
MM.D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Quesada, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22 octobre 2001,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Richard Jonathan Blech, est un ressortissant américain, né en 1963 et résidant à Monnetier-Mornex (France). Il est représenté devant la Cour par Me S. Ceccaldi, avocat à Marseille.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le 1er avril 2000, le bureau central national d'Interpol transmit au procureur de la République de Thonon-Les-Bains une demande d'arrestation provisoire « en vue d'extradition » présentée par les autorités américaines le 27 mars 2000, ainsi que l'agrément du ministère de la Justice français en date du 30 mars 2000 pour donner suite à cette requête (recherche de l'intéressé et arrestation provisoire).
Cette demande, qui invoquait expressément la convention d'extradition signée le 6 janvier 1909 par les Etats‑Unis d'Amérique et la France (entrée en vigueur le 27 juillet 1911), complétée par une convention supplémentaire signée le 12 février 1970 (entrée en vigueur le 3 avril 1971), indiquait notamment ce qui suit :
« Richard BLECH est recherché par le Southern District of New York pour répondre de charges concernant une fraude sur titres, fraude par télécommunications et blanchiment de fonds. Plainte NR 00 MAG.0597, déposée le 27.03.2000 au United States District Court for the Southern District of New York pour les faits suivants :
1. trois chefs de fraudes sur titres (...)
2. quatre chefs de fraude par télécommunications (...)
3. six chefs de blanchiment de fonds (...)
Le 27.3.2000, sur la base de la plainte NR 00 MAG.0597, le Juge Henry B. Pitman, U.S. Magistrate Judge of the Southern District of New York, a délivré mandat d'arrêt NR 00 MAG.0597 en vue de l'arrestation de Richard BLECH. (...) »
Le 3 avril 2000, le requérant reçut notification du mandat d'arrêt par un officier de police judiciaire. Le requérant n'acquiesça pas à son extradition.
Il fut conduit le jour même devant le procureur de la République. Ce dernier, après avoir contrôlé l'identité du requérant, notifia à ce dernier sa consignation à la maison d'arrêt de Chambéry dans l'attente du déroulement de la procédure d'extradition engagée à son encontre.
Le requérant forma une première demande de mise en liberté le 12 avril 2000.
Par un arrêt du 2 mai 2000, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Chambéry rejeta sa demande. Après avoir relevé que le requérant demeurait en France dans une maison dont il était propriétaire, elle précisa notamment qu'il dirigeait une société ayant son siège social en Suisse, qu'il ne s'exprimait pas en français, qu'il versait lui-même au dossier un relevé de taxe foncière pour 1999 adressé à son nom à Genève en Suisse ainsi qu'un avis d'impôt fédéral direct pour la période 1999-2000 adressé à une autre adresse à Genève, qu'il avait des contacts dans de nombreux pays, qu'il disposait d'actifs financiers considérables, qu'il avait indiqué à l'audience que sa société avait des établissements dans différents pays et jugea que sa demeure en France n'était ni un obstacle, ni un élément suffisamment dissuasif pour écarter le risque de fuite, en particulier dans un pays non lié par un traité d'extradition avec les Etats-Unis d'Amérique. Elle rappela également que l'urgence invoquée par les autorités américaines, qu'elle n'avait pas à apprécier, était suffisamment motivée compte tenu de la précision selon laquelle le Department of Justice avait été avisé de l'intention du requérant de quitter la France et de ce que ses meubles et le contenu de sa maison avaient été récemment emballés en vue d'être expédiés vers un endroit du Moyen-Orient.
Par une « note d'ambassade » datée du 11 mai 2000 et réceptionnée par le ministère des Affaires étrangères français le 12 mai 2000, la demande d'extradition, accompagnée des pièces y afférentes, fut présentée par les autorités américaines. Dans cette note, les autorités américaines précisèrent notamment que, si le requérant risquait un minimum de dix ans d'emprisonnement en cas de condamnation pour tous les chefs d'accusation visés, une peine de quinze ou vingt ans d'emprisonnement était plus probable.
Le 24 mai 2000, la chambre d'accusation rejeta une nouvelle demande de mise en liberté. Elle releva notamment, d'une part, que le montant du cautionnement proposé par le requérant était, compte tenu du montant considérable des détournements qui lui étaient reprochés, « nettement insuffisant pour ne pas dire insignifiant » et, d'autre part, que s'il était en droit de refuser son extradition, elle devait tenir compte de son refus de se rendre aux Etats-Unis pour répondre de ses actes devant la justice de son pays afin d'évaluer la crédibilité des garanties de représentation proposées à l'appui de sa demande de mise en liberté. Le requérant forma un pourvoi en cassation, lequel fut rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2000. Par la suite, la chambre d'accusation (devenue la chambre de l'instruction à compter du 1er janvier 2001) rejeta d'autres demandes de mise en liberté par arrêts des 21 juin, 9 août, 7 septembre, 4 octobre, 30 octobre et 27 décembre 2000 (ce dernier fit l'objet d'un pourvoi en cassation, rejeté par un arrêt du 24 avril 2001), 30 mars et 11 mai 2001, 20 juin 2001, 1er août 2001, 15 octobre 2001 et 7 novembre 2001.
Par un arrêt du 21 juin 2000, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Chambéry, après avoir constaté la régularité de la procédure et motivé le rejet des différents arguments du requérant en sens contraire, rendit un avis favorable à l'extradition de ce dernier du chef des infractions qualifiées de fraude sur titres et de fraude par câble, ainsi que pour complicité de ces infractions. Elle émit cependant un avis défavorable s'agissant de l'infraction qualifiée de blanchiment, celle-ci ne pouvant être assimilée à l'une des infractions prévues par la convention d'extradition. Dans son arrêt, la cour d'appel jugea également qu'aucun risque de violation de l'article 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme n'était établi. Le requérant se pourvut en cassation le jour même.
Par arrêt du 4 octobre 2000, la Cour de cassation rejeta son pourvoi.
Le 12 février 2001, le Premier ministre signa le décret accordant l'extradition du requérant aux autorités américaines en vue de l'exécution du mandat d'arrêt délivré le 27 mars 2000 par le juge du tribunal fédéral du district sud de New York pour les deux chefs de fraudes sur titres et fraudes par câble, à l'exclusion expresse des faits de blanchiment de fonds également visés par ledit mandat d'arrêt.
Le 8 mars 2001, le requérant introduisit un recours en annulation de ce décret devant le Conseil d'Etat. Il déposa son mémoire ampliatif le 30 avril 2001. Le Gouvernement déposa un mémoire en défense le 19 juin 2001, auquel le requérant répliqua le 27 août 2001. Le Gouvernement déposa un second mémoire le 1er octobre 2001. Le requérant y répliqua par un dernier mémoire le 13 novembre 2001.
Par arrêt du 14 décembre 2001, le Conseil d'Etat, après avoir notamment constaté la régularité de la procédure d'extradition et jugé que celle-ci n'était contraire ni à l'ordre public français, ni aux dispositions de l'article 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, rejeta la requête en annulation du décret d'extradition.
Le 4 janvier 2002, le requérant fut extradé vers les Etats-Unis d'Amérique. Après avoir plaidé coupable sur les deux chefs d'accusation qui pouvaient lui être opposés, le requérant fut condamné et détenu pendant vingt mois au Metropolitan Correction Center de New York, prison fédérale, avant de bénéficier, le 10 juillet 2003, d'une mise en liberté surveillée avec assignation à résidence chez son père, à Los Angeles, interdiction de quitter le territoire américain et obligation de respecter un couvre-feu quotidien à vingt-deux he