Note d’information sur la jurisprudence de la Cour No 175
Juin 2014
Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France - 40454/07
Arrêt 12.6.2014 [Section V]
Article 10
Article 10-1
Liberté de communiquer des informations
Condamnation pour la publication d’un article et de photos révélant l’existence de l’enfant caché d’un monarque : violation
[Cette affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre le 13 octobre 2014]
En fait – Les requérantes sont respectivement la directrice de publication et la société éditrice de l’hebdomadaire Paris Match.
Le 3 mai 2005, parurent dans le quotidien britannique Daily Mail des révélations de Mme C. concernant son fils dont elle affirmait que le père était Albert Grimaldi, prince régnant de Monaco. L’article se référait à la publication à venir dans le magazine Paris Match et en reprenait les éléments essentiels ainsi que trois photographies, dont une montrant le prince tenant l’enfant dans ses bras. L’interview avec Mme C. et les photographies litigieuses furent également publiées dans l’hebdomadaire allemand Bunte du 4 mai 2005.
Le 6 mai 2005, l’hebdomadaire Paris Match publia un article dans lequel Mme C. donnait des précisions sur les circonstances dans lesquelles elle avait fait la connaissance du prince, leurs rencontres, leur relation intime, leurs sentiments, la manière dont le prince avait réagi à l’annonce de la grossesse de Mme C. et celle dont il s’était comporté lorsqu’il rencontrait l’enfant. Elle précisait que celui-ci était né le 24 août 2003 et que le prince l’avait reconnu chez un notaire le 15 décembre 2003, mais désirait que cette reconnaissance ne soit pas rendue publique avant le décès de son propre père, intervenue en avril 2005.
Le prince assigna les requérantes devant le tribunal aux fins d’obtenir réparation des atteintes qui avaient été portées à sa vie privée et à son image. Il saisit également les juridictions allemandes. Contrairement à ces dernières, les juridictions françaises firent droit à sa demande et lui octroyèrent 50 000 EUR de dommages-intérêts et ordonna la publication de la condamnation sur un tiers de la page de couverture du magazine.
En droit – Article 10 : La condamnation des requérantes pour atteinte à la vie privée et au droit à l’image du prince constitue une ingérence dans l’exercice de leur droit à la liberté d’expression. Celle-ci était prévue par la loi et visait un but légitime, à savoir la protection de la réputation ou des droits d’autrui.
Dans la présente affaire, il doit être pris en considération qu’il ne s’agissait pas seulement d’un conflit entre la presse et une personnalité publique, mais que les intérêts de Mme C. et de son enfant entraient également en jeu. Mme C. a fourni les informations à la presse et joué un rôle central dans l’affaire comme mère de l’enfant né hors mariage ; le récit publié faisait aussi bien partie de sa vie privée que de celle de son fils ou du prince. L’existence et les origines de l’enfant étaient le sujet principal du reportage. La Cour ne doit pas perdre de vue le fait que Mme C. s’est servie de la presse pour attirer l’attention du public sur la situation de son enfant né hors mariage et qui n’avait pas été reconnu publiquement par son père.
a) Contribution à un débat d’intérêt général – Il convient de distinguer entre le message central de l’article et les détails qui y sont contenus. L’article et les photos publiés traitaient de la descendance d’un prince régnant, en révélant l’existence de son fils naturel, jusqu’alors inconnu du public. Même si, en l’état actuel de la Constitution monégasque, cet enfant ne peut prétendre succéder à son père, son existence même est de nature à intéresser le public et notamment les citoyens de Monaco. En effet, le titre se transmettant de manière héréditaire, la naissance d’un enfant revêt une importance toute particulière. En outre, l’attitude du prince pouvait être révélatrice de sa personnalité et de sa capacité à exercer ses fonctions de mani