CINQUIÈME SECTION
Requête no 46055/11
Michel GHELLAM contre la France
introduite le 21 juillet 2011
EXPOSÉ DES FAITS
Le requérant, M. Michel Ghellam, est un ressortissant français, né en 1959 et détenu actuellement à la maison centrale d’Arles. Il a saisi la Cour le 21 juillet 2011. Il a été représenté devant la Cour par Me P. Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est détenu depuis le 27 juin 1985. Il a été condamné notamment pour une attaque à main armée avec prise d’otages commise en 1980 à Antibes et un homicide commis à Paris.
Le 11 septembre 1992, il s’est évadé avec huit autres détenus de la maison centrale de Clairvaux. Au cours de cette évasion, des surveillants pénitentiaires furent pris en otages et l’un d’entre eux fut tué. Le requérant fut arrêté en août 1993 et réincarcéré.
Il expose que, suite à sa réincarcération le 13 août 1993, il a fait l’objet de mesures de sécurité draconiennes. II a été maintenu pendant une très longue période de plus de douze ans et demi en quartier d’isolement. Ce régime est accompagné de rotations de sécurité et de fouilles corporelles systématiques. Il ajoute qu’il est régulièrement victime de mesures de représailles des agents pénitentiaires.
Le 10 novembre 1999, le requérant fut condamné par la cour d’assises de l’Aube à vingt ans de réclusion pour cette évasion.
Le 12 janvier 2006, il a été condamné à dix ans de réclusion pour une tentative d’évasion de la prison de Moulins-Yzeure commise le 12 février 2003.
Le requérant expose que la décision de mise à l’isolement qui a suivi ces faits a été annulée par un jugement du 8 avril 2004 du tribunal administratif de Versailles au motif, notamment, « que la succession de périodes d’isolement dont fait l’objet [le requérant] depuis 1993 de façon quasi continue emporte des conséquences graves sur son état de santé psychique, d’autant que le requérant allègue sans être contredit qu’il fait par ailleurs l’objet de brimades de la part du personnel pénitentiaire, compte tenu de ses antécédents judiciaires et pénitentiaires, et qu’il ne reçoit que de rares visites (...); que, dans les circonstances de l’espèce, eu égard à la durée du placement [du requérant] à l’isolement et aux modalités particulières de ce mode de détention appliquées à l’intéressé, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être accueilli ».
Le requérant affirme qu’il a néanmoins été maintenu à l’isolement dans les différents établissements où il a été détenu par la suite.
Le 12 avril 2006, alors qu’il se trouvait en détention ordinaire à la maison centrale de Saint-Maur, le requérant s’est vu reprocher d’avoir caché des armes factices dans la tuyauterie des douches de son unité. Il a immédiatement été placé à l’isolement de l’établissement, puis transféré au quartier d’isolement de la maison centrale de Lannemezan où il fut maintenu jusqu’au 26 octobre 2006.
Le 19 mars 2007, un médecin psychiatre de Bordeaux rendit un rapport d’expertise à la demande du juge des référés du tribunal administratif de Paris, amené à statuer sur une demande d’annulation d’une décision de maintien à l’isolement du requérant.
Pour ce qui est des conséquences de la mise à l’isolement sur l’état de santé du requérant, il conclut que celui-ci présentait un syndrome de privation socio-sensorielle important apparaissant comme la conséquence de sa mise à l’isolement. Il ajouta que cet état de fait entraînait des conséquences négatives sur son état de santé psychique et que la prolongation de cette mesure d’isolement comporterait des risques d’aggravation de son état de santé psychique qui était déjà assez notablement dégradé.
Quant à la nature et à l’étendue du préjudice subi, l’expert précisa que le manque d’activation sensorielle partiel s’accompagnait chez le requérant d’une déconnexion encore partielle, mais susceptible de se compléter, des apports intellectuels dont il pouvait bénéficier par la lecture et la correspondance qu’il se disait n’être plus capable de pratiquer.
A une date non spécifiée, l’expert reçut une communication du ministère de la Justice lui indiquant qu’il avait rencontré le requérant le 12 janvier 2007, date à laquelle celui-ci n’était plus à l’isolement depuis le 26 octobre 2006 et qu’aucune nouvelle mesure d’isolement n’était envisagée. Il lui était demandé de tenir compte de ces observations et de modifier, en ce sens, son rapport. L’expert modifia quelques unes de ses conclusions, en précisant que toute remise en isolement renverrait à la rédaction initiale.
Le 7 juin 2007, le tribunal administratif de Paris annula la décision du Garde des Sceaux de prolonger le maintien à l’isolement du requérant car la commission d’application de