Note d’information sur la jurisprudence de la Cour No 125
Décembre 2009
Velcea et Mazăre c. Roumanie - 64301/01
Arrêt 1.12.2009 [Section III]
Article 8
Obligations positives
Article 8-1
Respect de la vie familiale
Refus des juridictions de qualifier l’auteur d’un meurtre d’indigne au motif de l’absence de condamnation définitive en raison de son propre décès: violation
Article 2
Article 2-1
Vie
Enquête efficace
Effectivité d’une enquête relative à des meurtres impliquant un agent de police: violation
En fait – Les requérants sont le père et la sœur de Tatiana A. En 1993, sa mère et elle furent tuées lors d’une dispute qui avait éclaté avec son mari, Aurel A. Le soir du drame, ce dernier était accompagné de son frère, George L., agent de police qui n’était pas de service ce soir là. George L. quitta les lieux avec son frère et l’emmena à son domicile. Peu après, Aurel A. se suicida, laissant deux lettres dans lesquelles il confessait avoir tué son épouse et sa belle-mère. En sa qualité d’agent de police, George L., informa la police de ce qui s’était passé. L’enquête pénale dirigée contre Aurel A. se conclut par un classement sans suite, au motif que l’auteur des infractions était décédé et qu’aucune autre personne n’avait été impliquée. A la suite d’une plainte pénale du requérant contre George L., le parquet militaire ouvrit une enquête, conclue par un non-lieu en 1994. Sur plainte des requérants, le parquet général militaire près la Cour suprême de justice décida la continuation des poursuites et l’enquête se poursuivit. En 2003, à la suite de modifications législatives concernant le statut des policiers, l’affaire fut renvoyée devant le parquet civil, qui prononça un non-lieu en 2004. La procédure de partage successoral de Tatiana A. fut ouverte en 1993. Le requérant demanda que la famille d’Aurel A. soit exclue de la succession, sa fille ayant été tuée par ce dernier. Le code civil roumain (article 655 § 1 à l’époque des faits) prévoyait que la personne condamnée pour avoir donné la mort au défunt était indigne d’hériter de celui-ci. Appliquant strictement cette disposition, les juridictions roumaines refusèrent de qualifier d’indigne Aurel A., au motif qu’il n’avait pas été condamné pour meurtre par une décision de justice définitive, puisqu’il s’était suicidé peu après avoir tué son épouse. Lucian L., frère d’Aurel A., put donc devenir l’héritier de Tatiana A.
En droit – Article 2: une enquête a bien eu lieu dans la présente affaire à l’initiative des autorités. Le parquet mena une enquête immédiatement après le drame et plusieurs mesures furent prises pour préserver les moyens de preuve sur les lieux du crime. Toutefois, bien qu’informées de l’implication de George L. dans les faits, les autorités n’ont pas, dans un premier temps, effectué d’investigations à son sujet. Ce n’est que plusieurs mois plus tard, à la suite d’une plainte pénale formelle du requérant, qu’elles ont procédé à des investigations.
En ce qui concerne l’adéquation de l’enquête, la Cour relève certaines insuffisances et lacunes. Ainsi, le procès-verbal dressé le soir même du drame ne contient aucune mention des actes accomplis par la première équipe d’enquête et aucune explication n’a été fournie quant au remplacement de cette équipe ; la perquisition au domicile d’Aurel A. n’a eu lieu que le lendemain du drame ; les lettres laissées par ce dernier dans son appartement n’ont pas été saisies par le procureur, mais emportées par son frère, qui les a transmises au parquet quelques mois plus tard. A quoi il faut ajouter que George L. n’a pas été interrogé au cours de la première enquête, le parquet se contentant de classer sans suite l’affaire en raison du décès d’Aurel A. Par