Urteilskopf
145 I 183
11. Extrait de l'arręt de la IIe Cour de droit civil dans la cause Ordre des Avocats Neuchâtelois, Jeune Barreau Neuchâtelois, A. et B. contre Conseil d'Etat et Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel (recours en matičre de droit public)5C_2/2017 du 11 mars 2019
Regeste
Art. 27, 49 und 94 BV, Art. 404 ZGB; abstrakte Kontrolle der (neuen) Art. 31a bis 31d des Gesetzes des Kantons Neuenburg vom 27. Juni 2017 zur Änderung des Gesetzes über die Kindes- und Erwachsenenschutzbehörden; Entschädigung der unabhängigen Privatbeistände; Wahrung der Wirtschaftsfreiheit und des Grundsatzes des Vorrangs des Bundesrechts. Kategorien von Beiständen; Darstellung des Systems der Entschädigung der Beistände im Kanton Neuenburg unter Herrschaft des bisherigen und des neuen Rechts (E. 3). Keine Verletzung der Wirtschaftsfreiheit (E. 4). Grundsätze für die Entschädigung des Beistandes; zulässige kantonale Tarifmodelle; Vereinbarkeit des auf Pauschalen mit Mindest- und Höchstbeträgen beruhenden Tarifsystems des Kantons Neuenburg mit dem Bundesrecht (Art. 404 ZGB); Verletzung des Grundsatzes des Vorrangs des Bundesrechts, soweit der neue Tarif die Möglichkeit, die Grundentschädigung in Fällen zu erhöhen, in denen sie mit Blick auf den tatsächlichen Aufwand des Beistands als unangemessen erscheint, auf maximal 30 % begrenzt (E. 5).
Sachverhalt ab Seite 184
BGE 145 I 183 S. 184
A. Le 27 juin 2017, le Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel a adopté la loi portant modification de la loi du 6 novembre 2012 concernant les autorités de protection de l'enfant et de l'adulte (LAPEA; RSN 213.32).Cet acte législatif, publié dans la Feuille officielle neuchâteloise (ci-aprčs: FO) n° 27 du 7 juillet 2017 et promulgué par arręté du Conseil d'Etat du 11 aoűt 2017 paru dans la FO n° 33 du 18 aoűt suivant, est entré en vigueur le 1er janvier 2018.Il introduit notamment dans la LAPEA une section 2 nouvelle comprenant les art. 31 ŕ 31e portant sur la rémunération des curateurs et tuteurs. Ces dispositions prévoient en substance que cette rémunération est fixée par l'autorité de protection annuellement ou biennalement (art. 31 nouveau) selon des fourchettes d'honoraires en fonction des tâches assumées (art. 31a al. 1 nouveau) et peut ętre augmentée, sur demande expresse et motivée du curateur ou du tuteur, de 30 % au maximum lorsqu'elle apparaît comme inéquitable au vu de l'importance exceptionnelle des tâches assumées, notamment ŕ l'ouverture du mandat (art. 31b nouveau). Par ailleurs, lorsqu'une mesure doit ętre confiée ŕ un avocat en raison de ses compétences professionnelles particuličres, elle est arrętée conformément au tarif de l'assistance judiciaire (art. 31c al. 1 nouveau) et, dans le cas d'autres professionnels, tels qu'un notaire ou un gérant d'immeubles, selon le tarif BGE 145 I 183 S. 185horaire le plus bas retenu par l'association professionnelle concernée ou par les usages de la branche (art. 31c al. 2 nouveau). L'art. 31c al. 3 dispose toutefois que, si la situation financičre de la personne concernée le permet, le curateur ou le tuteur čs qualités sera rémunéré selon le tarif usuel de sa branche. L'art. 31d prévoit enfin le droit ŕ une indemnité couvrant les frais de transport, calculée conformément au tarif applicable aux titulaires de la fonction publique (al. 1) ainsi que le remboursement des autres frais indispensables ŕ l'exécution du mandat ŕ concurrence de leur montant effectif, sur présentation de pičces justificatives (al. 2).
B. Par écriture du 15 septembre 2017, postée le męme jour, l'Ordre des Avocats Neuchâtelois, le Jeune Barreau Neuchâtelois ainsi que les avocats A. et B. exercent un recours en matičre de droit public au Tribunal fédéral tendant ŕ l'annulation des art. 31a ŕ 31d (nouveaux) de la loi du 27 juin 2017.Les recourants invoquent une violation de la liberté économique, des principes de la primauté du droit fédéral et de l'égalité dans la loi ainsi que de l'interdiction du travail obligatoire garanti par l'art. 4 CEDH.Le Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Le Conseil d'Etat ne s'est pas déterminé. Les recourants ont répliqué.
C. Par ordonnance du 19 octobre 2017, le Président de la IIe Cour de droit civil a refusé d'accorder l'effet suspensif au recours.
Erwägungen
Extrait des considérants:
3. Les recourants entendent demander le contrôle abstrait des art. 31a ŕ 31d (nouveaux) de la loi du 27 juin 2017 en tant qu'ils rčglent, dans le canton de Neuchâtel, le mode de rémunération des curateurs, singuličrement des avocats-curateurs privés indépendants.
3.1 En rčgle générale, depuis le 1er janvier 2019 date de l'entrée en vigueur de l'art. 400 al. 2 CC dans sa nouvelle teneur selon laquelle la personne nommée ne peut l'ętre qu'avec son accord (Code civil, modification du 29 septembre 2017; RO 2018 2801), la fonction de curateur peut ętre exercée par un membre de la parenté (pčre, mčre, conjoint, etc.), un proche de la personne concernée ou un simple citoyen exerçant cette fonction volontairement. On parle alors de curateur privé (Privatbeistand). Il peut aussi s'agir d'un collaborateur BGE 145 I 183 S. 186d'un organisme social privé ou d'un professionnel indépendant qui assume cette fonction ŕ titre accessoire, ŕ côté notamment de tâches relevant de son activité principale, ou encore d'une personne désignée en raison de ses compétences professionnelles particuličres (avocat, expert fiduciaire), que l'on qualifie de curateur privé avec compétences professionnelles particuličres (Fachbeistand). On rencontre enfin le curateur professionnel (le "tuteur officiel" de l'ancien droit; Berufsbeistand) qui, dans le cadre d'une institution publique, a la charge, sinon exclusive du moins prépondérante, de mandats de protection pour des personnes de toutes les classes d'âge ou, en fonction de l'organisation, seulement pour des enfants et des adolescents, ou pour des adultes uniquement (cf. arręt 6B_580/2016 du 23 octobre 2017 consid. 2.2; sur les diverses classifications qui peuvent varier d'un auteur ŕ l'autre: Droit de la protection de l'adulte, Guide pratique [avec modčles] édité par la COPMA [ci-aprčs: Guide pratiqueCOPMA], 2017, p. 190, ch. 6.2.4, n. 6.30 ss;FOUNTOULAKIS/AFFOLTER-FRINGELI/BIDERBOST/STECK, Fachhandbuch, Kindes- und Erwachsenenschutzrecht, 2016, p. 236 s., n. 8.159; RUTH E. REUSSER, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, vol. I, 6e éd. 2017, nos 14 ss ad art. 400 CC; STEINAUER/FOUNTOULAKIS, Droit des personnes physiques et de la protection de l'adulte, 2014, p. 474, n. 1071; HAUSHEER/GEISER/AEBI-MÜLLER, Das neue Erwachsenenschutzrecht, 2e éd. 2014, p. 69, n. 2.120; HÄFELI, Grundriss zum Kindes- und Erwachsenenschutz [ci-aprčs: Grundriss], 2e éd. 2016, p. 175 s., n. 21.08 ss; PHILIPPE MEIER, Droit de la protection de l'adulte, Articles 360-456 CC, 2016, p. 453 s., n. 945 et 947; NOÉMIE HELLE, Renouvellement de la garde-robe du curateur: l'habit fait-il toujours le moine? Etat des lieux ŕ l'occasion de l'entrée en vigueur du droit de la protection de l'adulte, in Le nouveau droit de la protection de l'adulte, 2012, p. 180 s., n. 39 ss).Selon une terminologie propre, le canton de Neuchâtel connaît trois catégories de curateurs: les "curateurs privés salariés" qui regroupent les parents, les proches ou les personnes volontaires qui exercent l'activité de curateur ŕ titre accessoire et sont considérés comme des salariés de l'Etat du point de vue des assurances sociales et sont ainsi soumis au paiement des charges sociales usuelles; les "curateurs privés indépendants" qui exercent l'activité de curateur ŕ titre professionnel mais non principal, dans le cadre d'une structure indépendante, et qui comprennent principalement des avocats et des experts fiduciaires; les "curateurs professionnels du Service de protection BGE 145 I 183 S. 187 de l'adulte et de la jeunesse" (ci-aprčs: SPAJ) qui sont au bénéfice d'une formation professionnelle spécifique (cf. rapport du Conseil d'Etat neuchâtelois du 5 décembre 2016 p. 2 s., ch. 2). Les curateurs privés indépendants assument 56 % des mandats de protection dont la majorité concerne des personnes majeures et qui représentent pour leur structure indépendante un certain apport économique. Ils sont des partenaires importants sur lesquels les autorités de protection peuvent compter (cf. Rapport du Conseil d'Etat du 5 décembre 2016, p. 2/3). Les curateurs privés salariés et les curateurs professionnels du SPAJ assurent 24 %, respectivement 20 %, des mandats de protection (cf. Rapport précité, ibidem).
3.2 Jusqu'ŕ l'entrée en vigueur de la novelle du 27 juin 2017, la rémunération du curateur était fixée en fonction de l'importance et de la difficulté du mandat, sur proposition de sa part (art. 58 du Décret du 6 novembre 2012 fixant le tarif des frais, des émoluments de chancellerie et des dépens en matičre civile, pénale et administrative [TFrais; RSN 164.1]). Lorsque le mandat de curatelle était assumé par un collaborateur du Service en charge de la protection des enfants et des adultes (actuel SPAJ), elle était fixée forfaitairement ŕ 2'000 fr. par an pour un mandat avec gestion financičre (art. 59 let. a TFrais) et ŕ 1'000 fr. par an pour un mandat sans gestion financičre (art. 59 let. b TFrais).Cette derničre disposition n'était toutefois pas appliquée par les autorités de protection qui considéraient qu'elle ne constituait pas une base légale suffisante pour la facturation de prestations entre services de l'Etat (VALÉRIE DE LUIGI, La rémunération du curateur: quelles solutions en cas d'indigence de la personne concernée?, in Les difficultés économiques en droit, 2015, p. 157/158). Dans un obiter dictum de l'arręt du 28 juillet 2014, in Recueil de jurisprudence neuchâteloise (RJN) 2014 p. 99, la Cour des mesures de protection de l'enfant et de l'adulte du Tribunal cantonal neuchâtelois avait par ailleurs jugé "insuffisant" le systčme forfaitaire de rémunération des curateurs du SPAJ, motif pris que ce tarif unique ne respectait pas le principe de la rémunération différenciée (en fonction de l'importance et de la difficulté du mandat) voulue notamment par l'art. 404 al. 2 CC.En définitive, les autorités de protection faisaient application, pour le curateur professionnel, d'un barčme interne établi par les juges (cf. rapport du Conseil d'Etat du 5 décembre 2016 p. 3, ch. 3; DE LUIGI, BGE 145 I 183 S. 188op. cit., ibidem et p. 159), aucune rémunération ni remboursement des frais n'étant toutefois dus en cas d'indigence de la personne concernée (DE LUIGI, op. cit., p. 159). Les curateurs privés étaient quant ŕ eux rémunérés sur la base de tabelles internes aux autorités de protection, selon un tarif horaire de 60 ŕ 100 fr. lorsque la personne concernée était indigente et, s'ils étaient désignés en raison de leurs connaissances professionnelles spécifiques (p. ex. en tant qu'avocat, comptable ou notaire), selon le tarif horaire de leur profession, lequel pouvait toutefois ętre réduit en cas d'indigence (DE LUIGI, op. cit., p. 158, let. c).
3.3
3.3.1 Pour les activités déployées ŕ compter du 1er janvier 2018 (cf. pour le droit transitoire: art. 37bis LAPEA), les dispositions suivantes s'appliquent désormais ŕ la rémunération des curateurs: Art. 31a (nouveau) Rémunération de base 1 La rémunération annuelle se situe dans les limites suivantes, en fonction des tâches assumées par la curatrice, le curateur ou la tutrice, le tuteur:a) gestion administrative de 300 ŕ 1'500 fr.b) encadrement personnel sans gestion de 100 ŕ 800 fr.c) encadrement personnel avec gestionadministrative ou financičre de 500 ŕ 1'800 fr.d) encadrement personnel important avecgestion administrative ou financičre de 1'000 ŕ 3'600 fr. 2 L'encadrement personnel important est celui qui implique pour la curatrice, le curateur ou la tutrice, le tuteur une assistance personnelle et sociale étroite et récurrente, comportant notamment:- la recherche et le maintien d'un lieu de vie;- la mise en place d'un suivi thérapeutique;- des démarches intenses d'insertion sociale ou professionnelle;- la mise en place et le pilotage d'un réseau de professionnels. 3 En cas de modification des tâches en cours d'exercice par l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte, celle-ci fixe la rémunération pro rata temporis. 4 La curatelle en faveur d'un enfant ne donne lieu ŕ rémunération que si elle comprend des tâches de représentation ou de gestion au sens des articles 308, alinéa 2 et 325 du Code civil. BGE 145 I 183 S. 189 Art. 31b (nouveau) Situations exceptionnelles 1 L'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte peut augmenter la rémunération de base de 30 % au maximum lorsque celle-ci apparaît comme inéquitable au vu de l'importance exceptionnelle des tâches assumées par la curatrice, le curateur ou la tutrice, le tuteur, notamment ŕ l'ouverture du mandat. 2 Cette rémunération majorée ne peut ętre allouée que sur demande expresse et motivée de la curatrice, du curateur ou de la tutrice, du tuteur. Art. 31c (nouveau) Compétences professionnelles particuličres 1 Lorsqu'une mesure doit ętre confiée ŕ un-e avocat-e en raison de ses compétences professionnelles particuličres, la rémunération est fixée conformément au tarif de l'assistance judiciaire. 2 Lorsqu'une mesure doit ętre confiée ŕ un-e autre professionnel-le, tels qu'un-e notaire ou un-e gérant-e d'immeubles, en raison de ses compétences professionnelles particuličres, la rémunération est fixée en fonction du tarif horaire le plus bas retenu par l'association professionnelle concernée ou par les usages de la branche. 3 Si la situation financičre de la personne concernée le permet, la curatrice, le curateur ou la tutrice, le tuteur mandaté en raison de ses compétences professionnelles particuličres est rémunéré selon le tarif usuel de sa branche. 4 La décision instituant la curatelle ou la tutelle précise les tâches pour lesquelles la curatrice, le curateur ou la tutrice, le tuteur est nommé-e en raison de ses compétences professionnelles particuličres. Art. 31d (nouveau) 1 La curatrice, le curateur ou la tutrice, le tuteur appelé ŕ se déplacer pour les besoins de son mandat a droit ŕ une indemnité couvrant ses frais de transport fixée conformément au tarif applicable aux titulaires de la fonction publique. 2 Les autres frais indispensables ŕ l'exécution d'un mandat sont remboursés ŕ concurrence de leur montant effectif, sur présentation des pičces justificatives.
3.3.2 Ces nouvelles dispositions prévoient ainsi en substance que la rémunération du curateur est fixée selon des fourchettes de rémunération forfaitaire en fonction des tâches assumées (gestion administrative ou financičre; encadrement personnel sans gestion; encadrement personnel avec gestion administrative ou financičre; encadrement personnel important avec gestion administrative ou financičre [art. 31a BGE 145 I 183 S. 190al. 1 nouveau]). Selon le rapport du Conseil d'Etat du 5 décembre 2016 (p. 2 et 6), ces fourchettes sont applicables ŕ tous les curateurs qu'ils soient privés ou professionnels, quelles que soient leurs qualifications professionnelles et que les honoraires soient pris en charge par la personne concernée ou par l'Etat. Elles s'appliquent pro rata temporis en cas de modification des tâches en cours d'exercice (cf. art. 31a al. 3 nouveau). L'art. 31b nouveau autorise toutefois les autorités de protection ŕ majorer de 30 % au maximum la rémunération de base lorsque le curateur est confronté ŕ des tâches qui relčvent de son mandat et de la catégorie ŕ laquelle il appartient mais dont l'ampleur et la fréquence rendraient le montant maximum de la fourchette applicable insuffisant au reg